Les coraux
INTRODUCTION
Nous avons tous déjà vu des coraux, que ce soit dans un aquarium, dans un documentaire ou encore en image. Pour beaucoup il s’agit d’une structure minérale ou d’une plante. Mais que sont-ils en réalité ?
LE CORAIL
Le corail n’est pas une plante ou une structure minérale mais bien un animal apparu au Cambrien il y a 485 millions d’années. Le terme corail désigne une symbiose entre de petits animaux de la famille des cnidaires nommés polypes, des microalgues unicellulaire appelés zooxanthelles ainsi que différentes populations de bactéries et virus. Chaque corail est un superorganisme constitué de centaines voire de milliers de polypes. Ces derniers sont immobiles et chacun d’entre eux a développé la capacité de former des structures rigides minéralisées en associant minéraux et molécules organiques, on appelle ce phénomène la biominéralisation. Chaque individu crée sa propre loge en sécrétant un exosquelette composé de carbonate de calcium (CaCO3) formant ainsi les coraux bâtisseurs de récifs de la classe des anthozoaires (coraux durs). Les coraux mous, eux, sont aussi composés en partie de carbonate de calcium. Contrairement aux coraux durs, leurs polypes ne vont pas sécréter un exosquelette. Ce qui leur donne leur tonus se trouve déjà dans leurs tissus, ce sont de petites barres de carbonate de calcium nommées spicules. Ces spicules situées dans les tissus du corail ne sont pas soudées entrent elles ; c’est la raison pour laquelle le corail est souple. Comme pour les coraux durs, les coraux mous sont des colonies de polypes.
CYCLE DE VIE
Certains coraux se reproduisent une à deux fois par année, d’autres tous les mois. Cependant ils sont tous incroyablement synchronisés pour assurer la fécondation et un meilleur brassage génétique. Il se reproduisent de deux manières, sexuée et asexuée.
Reproduction sexuée
Ils ont deux types de reproduction sexuée. La fécondation externe, qui se déroule dans le milieu, et la fécondation interne, qui se déroule dans l’individu. Dans les deux cas, une cellule œuf est produite. Cette cellule œuf va se développer et devenir une larve appelée planula, il s’agit de la phase pélagique (dans la colonne d’eau). Cette dernière, une fois mature, va se fixer à un substrat solide tel qu’un rocher ou le fond de la mer et se développer pour former un nouveau polype qui donnera naissance à une colonie, il s’agit de la phase benthique (sur le fond). Ce type de reproduction permet de coloniser de nouveaux espaces et d’assurer le brassage génétique.
Reproduction asexuée
Les coraux se reproduisent également par voie asexuée. Par bourgeonnement (le polype se dédouble) en ou encore par bouturage. Lors d’une tempête par exemple, une partie du corail peut se fragmenter et se fixer à un autre endroit afin de donner lieu à une nouvelle colonie. Les professionnels utilisent cette capacité pour multiplier le corail.
ALIMENTATION
Les coraux sont mixotrophes, c’est-à-dire qu’ils sont capables de se nourrir par hétérotrophie aussi bien que par autotrophie. Les organismes hétérotrophes se nourrissent de matière organique préexistante. L’autotrophie s’oppose à l’hétérotrophie puisqu’il s’agit de la production de matière organique nutritives par le biais de matériaux inorganiques (tel que le carbone, l’azote ou le phosphore) et en utilisant l’énergie solaire ou chimique.
Polype
Nous savons maintenant qu’un corail est composé d’une multitude de petits corps cylindriques nommés polypes. Comme tous les animaux, ces organismes hétérotrophes doivent se nourrir. Ils capturent de petites proies (planctons) a l’aide de leurs tentacules. Ce type d’alimentation ne couvre qu’environ 30% de leurs besoins en nourriture, ce qui n’est pas suffisant. En effet, les eaux entourant les récifs coralliens ont généralement des niveaux extrêmement bas en éléments nutritifs, principalement en raison de la concurrence féroce pour ces nutriments par les nombreuses espèces qui s’y trouvent. Les coraux doivent de ce fait trouver une autre façon de s’alimenter.
Zooxanthelle
Une stratégie efficace consiste à utiliser une ressource inépuisable, le soleil. Pour cela les coraux vivent en symbiose avec des microalgues appelées zooxanthelles. Ces dernières vivent dans les tissus des polypes. En échange d’un abri solide, lumineux et de dioxyde de carbone produit par les polypes, ces microalgues autotrophes produisent, par photosynthèse, du dioxygène et des molécules organiques dont se nourrit le polype. Ainsi alimenter, il peut produire le calcaire qui lui sert à fabriquer son squelette. Ces zooxanthelles peuvent fournir, à elles seules, 100% du besoin énergétique quotidien nécessaire aux coraux. Cependant les produits des zooxanthelles sont pauvres en azote, élément essentiel pour la synthèse des protéines, la croissance, la réparation et la reproduction sexuée. Alors que la calcification et autres processus utilisent l’énergie fournie par les zooxanthelles, ces autres besoins ne sont pas comblés. C’est d’autres aliments comme les phytoplancton, le zooplancton, les bactéries et autres matières organiques qui fournissent l’azote et autres éléments essentiels nécessaires aux coraux. L’hétérotrophie du corail est de se fait indispensable.
SYSTÈME IMMUNITAIRE
Les coraux s’associent à de nombreux organismes tels que des bactéries, des archées, des champignons ou même des virus. Chacun de ces micro-organismes vont trouver un compartiment dans le corail et ainsi former un holobionte (animal ou végétal et les micro-organismes qu’ils hébergent). Il semblerait que ces micro-organismes jouent un rôle bien précis en fonction de leur emplacement. Par exemple dans le mucus des coraux se trouvent des ciliées qui permettent de créer un courant de surface empêchant les parasites de s’accrocher pour se développer. La défense immunitaire des coraux provient de toute la diversité de microorganismes qu’ils accueillent. On peut donc parler de système immunitaire symbiotique. Le corail a donc la capacité de s’adapter à son environnement plus rapidement que simplement par l’évolution. En effet, afin de s’adapter à de nouvelles conditions environnementales il lui suffit de changer son holobionte ce qui est plus rapide que d’attendre des mutations génétiques.
Le système immunitaire des coraux reste mal connu aujourd’hui. Cependant des chercheurs, dans une étude parue le 26 juillet 2021 dans la revue Frontiers in immunology, ont poussé des coraux dans leurs derniers retranchements afin de déclencher une réponse immunitaire. Avec une technique appelée cytométrie en flux, permettant de trier les différents types cellulaires obtenus, ils ont réussi à isoler différentes populations de phagocytes dans certains coraux. Ces cellules, également présentent dans le système immunitaire humain, sont capables d’engloutir les corps étrangers placés sur leur chemin.
IMPORTANCE DES CORAUX
Une biodiversité exceptionnelle
Les récifs coraliens couvrent 0,2% du fond des océans. Dans ces labyrinthes de calcaires vivants, les scientifiques estiment que plus d’un million d’espèces animales et végétales y sont associées et qu’ils accueillent plus de 25% de la biodiversité marine. Les coraux sont également à l’origine de la formation d’autres écosystèmes. En effet, ils conduisent à la formation de très grandes étendues de sable qui, par l’action des courants, conduisent à la formation de hauts fonds, d’îles et surtout à la formation des mangroves dans les zones propices.
Une protection côtière
Les récifs coraliens parcourent plus de 150 000 kilomètres de côtes dans plus de 100 pays et territoires. De par leur formation massive, ils forment une barrière protégeant les écosystèmes se trouvant entre les récifs et les côtes ainsi que les installations humaines de bord de mer. Ils absorbent l’énergie des vagues, l’érosion des bords côtiers et les dégâts en cas de tempêtes, ouragans et autres cyclones.
Ressource indispensable
Plus de 500 millions de personnes dépendent des récifs coralliens pour la protection qu’ils confèrent, les ressources halieutiques qu’ils offrent et le tourisme. Une grande proportion dépend de la nourriture directement prélevée dans les eaux récifales et des moyens directs et indirects de subsistance. Les récifs coralliens fournissent environ 10% du poisson pêché dans le monde. Ce chiffre peut s’élever à 20-25% dans les pays en voie de développement, et de 70 à 90% dans les pays d’Asie du sud-est. Les récifs ont une importance économique puisqu’ils fournissent une ressource et des services d’une valeur de plusieurs milliards de dollars chaque année.
Un avenir médical
Les coraux suscitent un intérêt dans la recherche médicale. Certains possèdent des composés semblables à des médicaments qui pourraient servir d’agents anti-inflammatoires et d’antibiotiques, d’autres abritent un anticancéreux très recherché. Récemment, après 25 ans de recherche, des chercheurs de l’université de l’Utah ont découvert comment les coraux mous produisent l’éleuthérobine, une substance chimique aux propriétés anticancéreuses qu’ils utilisent pour se défendre contre les prédateurs. Des études en laboratoire ont montrés que ce composé était un puissant inhibiteur de la croissance des cellules cancéreuses. De plus, par sa nature très proche de nos os, le squelette corallien est utilisé depuis 1970 pour les greffes osseuses.
Etant donné que seulement une infime partie des organismes récifaux a été échantillonnée, analysée et testée, le potentiel pour de nouvelles découvertes pharmaceutiques est énorme.
LES CORAUX EN DANGER
En tant que colonie c’est l’animal avec la plus longue longévité sur terre. Ils peuvent vivres jusqu’à plusieurs milliers d’années. Les récifs coraliens ont traversés des dizaines de milliers d’années d’évolution naturelle et pourtant, nombre d’entre eux ne survivront sans doute pas aux changements catastrophiques déclenchés par l’espèce humaine.
Pratiques destructrices
Certains types de pêche tels que la pêche au cyanure, la pêche à la dynamite et la pêche Muroami (qui consiste à frapper le corail à coups de bâton) contribuent à la destruction des coraux. Le chalutage en eau profonde est une des menaces qui pèse le plus sur les récifs d’eau froide. La surpêche a également un impact puisqu’elle dérègle l’équilibre écologique et la chaîne alimentaire des récifs coraliens.
Les activités touristiques impactent également les coraux. Des visiteurs les cassent, les ramassent et remuent les sédiments. Les bateaux larguent leur ancre dans les récifs, des stations balnéaires et infrastructures de tourisme sont construites à même le récif.
L’exploitation minière, forestière et agricole conduisent à une augmentation de sédiments dans les cours d’eau qui finissent dans l’océan où ils asphyxient les coraux en les privant de la lumière.
Pollution
Les déchets des particuliers et de l’industrie, les eaux usées et les marées noires empoisonnent les récifs coralliens. Certains polluants font monter le taux d’azote entraînant une forte croissance d’algues qui asphyxient les récifs en les privant de lumière.
Changement climatique
La montée de température des eaux et l’acidification des océans sont des perturbations dont les coraux sont victimes. Une température trop élevée provoque l’expulsion des zooxanthelles et donc la perte de la principale source d’alimentation des coraux. Ce sont les pigments de ces microalgues qui procurent les couleurs des coraux. Leurs expulsions provoquent donc le blanchiment des coraux et peut être, à terme, leurs mort. La baisse de pH des océans, provoque une augmentation de CO2 dans l’eau et une diminution d’ions carbonate utilisés pour la biominéralisation. Pire encore, dans certains cas, les organismes avec un squelette déjà formé peuvent être dissous.
SOLUTIONS
Afin de sauver les récifs coralliens, il faut agir urgemment et simultanément contre les menaces globales et locales, réduire les pollutions, créer des aires protégées, restaurer les zones dégradées et développer une économie bleue qui les protègent et les valorisent. Mais il faut en premier lieu lutter contre la principale menace, le changement climatique.
Lutter contre le réchauffement climatique
Pour éviter le blanchissement des coraux il nous faut réduire les rejets de gaz à effet de serre, économiser l’énergie, tendre progressivement vers une économie décarbonée et utiliser davantage d’énergies renouvelables.
Lutter contre les pollutions
Il nous faut éliminer toutes les formes de polluants chimiques et physiques qui finissent en mer. Il revient à nous tous d’adopter les bonnes pratiques et les bons gestes. Ensemble, réduisons, réutilisons et recyclons pour limiter la consommation de ressources et la création de déchets.
Protéger et restaurer les récifs coralliens et leurs écosystèmes
Créer des aires marines protégées (AMP) efficacement gérées où les activités humaines sont régulées permettrait de préserver les récifs coralliens. Partout où cela est possible, nous devons tenter de restaurer les récifs dégradés par les activités humaines. Cela est possible en transplantant du corail d’un site à un autre, en le cultivant sur place par bouturage, un fragment de corail pouvant reformer une nouvelle colonie. Les chercheurs développent aujourd’hui de nouvelles méthodes basées sur l’évolution assistée, en sélectionnant les espèces ou les souches de coraux résistantes aux vagues de chaleur, et en les réimplantant pour reformer des récifs variés.
En Nouvelle-Calédonie, une récif coralien extraordinaire à été découvert. Unique au monde, ce site situé dans la mangrove de Bouraké intrigue les scientifiques du monde entier. Cette mangrove concentre aujourd’hui les principales menaces liées au changement climatique. L’acidité de l’eau est très élevée, l’oxygène peu présent et surtout la température de l’eau est supérieure de 2 à 3 degrés. Dans ces conditions la vie coralienne est en principe impossible. Et pourtant, il y a ici 66 espèces différentes qui survivent à ces conditions climatiques extrêmes. Les scientifiques les appellent « les super coraux ». Les chercheurs privilégient aujourd’hui l’hypothèse de la présence de métaux comme le manganèse, le fer ou le nickel, don’t regorge la Nouvelle Calédonie. Les différents métaux présents dans l’eau agissent comme des vitamines sur les coraux lorsque la température se réchauffe. L’ajout de ses métaux pourrait être une solution plus globale pour l’ensemble des récifs coralliens. De quoi redonner espoir.